mardi 15 mai 2012

Letrat e Ali Pashes

 Letrat  e Ali  Pashes

Cependant Ali se préparoit amp; attaquer Soir de vive force; mais il s'en fallut de bien pèn que les Suliotesne fussent débarrassés pour toujours de ce dangereux ennemi. Une troupe de ces braves montagnards , au nombre d'environ deux cents , ayant appris qu'Ali étoit.campé avec ses gardes à quelque distance du corps d'armée, marchèrent contre lui pendant la nuit, dans le dessein de s'en emparer mort ou vif; mais un traître découvrit cette entreprise au pacha, qui porta sur.le.champ son quartier- général dans un endroit plus sûr; et ce projet l'ayant enflammé d'une nouvelle fureur, il donna le signat de l'attaque., et fit marcher ses troupes vers les défilés.

Devant un ennemi si supérieur en nombre, les Suliotes furent obligés de battre en retraite; et, abandonnant leurs frontières méridionales, ils entrèrent dans le district nommé Laka , qui conduit à Arta et à Prévésa. Les Turcs les poursuivirent jusque dans la vallée de l'Achéron ; mais ils furent arrêtés au défilé de Klissnra, où ils reçurent de telles volées de mousqueterie, tant de la forteresse de Tichos qui commande ce passage, que de derrière les rochers et les précipices, que le défilé se trouva presque comblé par leurs calavres. Le pacha, qui avoit pris son poste sur une montagne en face nommée Bogoritza , vit le désordre qui réguoit parmi ses troupes , et entra dans une fureur inexprimable. 11 ordonna qu'on prît la tour de Tichos à quelque prix que ce fût, offrit diverses récompenses, et promit cinq cents bourses à celui qui eclrcroit le premier dans Kako.Suli. Animés par ces promesses et par lus regards de leur maUre , lu« Albanais combattirent comme des lions i mais le passage des Thermopyles n'avoit pas été défendu avec plus de résolution que nele fut celui de Klissura. JesSulfotesavoientravantage.de combattre a l'abri des rochers , du haut desquels leurs femmes etleurs eni'ans iàisoient pleuvoir de grosses pierres sur leurs ennemis, qui tomboient en si grand nombre que leurs corps faisoient comme un mur de sejwation entre les combattans. Mais enfin les Snliolcs commencèrent ù manquer de muni lions; leur (eu se ralentit; des troupes fraîches d'Albanpis se.sicpé- doieut sans cesse, et ils firent retraite sur .kialia. Les Turcs ne cherchèrent pas à prendre la.forteresse de Tichos ; mais, la laissant derrière eux, ils poursuivirent les Suliotes en poussant de grands cris , tandis que le pacha, suivant à l'aid d'un télescope les mouvemens de son armée, se croyoit déjàmiiîlre de tout le pays. ... . . .......; .. afi

Les Suliotes ayant reconnu qu'ils ne pouvoicipt défendre Ivialla , tous les habitans en partirent et se réfugièrent dans leurs montagnes inaccessible.*, tandis que les troupes de la république, .toujaurç suivies par celles du pacha, se retiraient veps Kako- Suli. Laforteressed'Aghia.Paraskevi qui commande; le défilé profond de Tripa , situé entre KiuJI'a et la capitale, avoit alors une garnisop si feihle, accrue , elle attira l'attention de ses voisins , et elle eut plusieurs guerres à soutenir tant contre les beys de Paramithia et de Margariti que contre les pachas d'Arta et de Janina. Mais elle fut toujours défendue par la situation imprenable qu'elle occupoit sur ses rochers inaccessibles, et la bravoure de ses citoyens les mit en état d'étendre leurs limites bien au-delà de leur ancien territoire. Avant leur première guerre contre Ali-Pacha, les Suliotes possédoient soixante.six villages, tous conquis par leurs armes. Les citoyens de la république étoient classés par divisions nommées faras. Chaque fara contenoit un certain nombre de fa-, milles, et étoit commandé par son chef.

Kako-Suli contenoit 19 faras et 420 familles.
Kiaffa 4 60
Avarico 3 55
Samoniva 3 5o

Quand les habitans de ces villages devinrent trop nombreux pour pouvoir y subsister , sur les soixante-six villages tributaires , on en choisit sept dans lesquels on envoya des colonies de Suliotes qui furent exemptées de payer soit le tribut régulier, qui étoifle dixième du produit total, soit des contributions forcées. Cinq faras furent établis ainsi à Tzicuri, trois à Alsocori et a Gionala , deux à Pericati, à Villa et à Tzephleki, et un à Kondati. Le caractère de cette .peuplade étoit belliqueux à l'«xtrême, et les exercices militaires composoient guerres un usage bien extraordinaire, c'étoit «l'envoyer un foible détachement contre une force supérieure , et un corps nombreux contre une troupe peu considérable. Dans le premier cas , ils intimi- doient leurs ennemis, qui savoient qu'ils étoient déterminés à vaincre ou a périr i dans le second, ils étoient en état de faire plus de prisonniers, dont la rançon leur fournissoit les moyens d'acheter des armes et des munitions.

Telle étoit la république qu'Ali se préparait à attaquer. Il en regardoit la destruction comme nécessaire pour l'exécution de ses projets ; car non seulement les Suliotes étoient les meilleurs soldats dans les rangs de ses ennemis, mais ils occupoient, dans le centre de ses états, la plus forte position qui s'y trouvât ; ils y donnoient retraite aux mécon- tens , et ils descendoient de leurs montagnes pour ravager ses domaines, toutes les fois qu'il étoit oc- ; cupé à une guerre éloignée. Il fit en 1792 les préparatifs de sa première expédition. Il leva une armée d'environ dix mille hommes d'élite, toutes troupes albanoises, et fit courir le bruit qu'il alloit attaquer. la ville d'Argyro-Castro, dont les beys avoient été ses ennemis les plus acharnés dans le commencement de sa carrière. Sous ce prétexte il s'efforça d'inspirer aux Suliotes une fatale sécurité; il leur demanda même leur alliance et leur coopération , en leur offrant double paye et des récompenses proportionnées à leur valeur reconnue. Voici la lettre qu'il écrivit à ce sujet à leurs deux plus illustres capitaines.

« Mes amis, capitaine Botzari et capitaine Tzavella , moi, Ali - Pacha, je vous salue et vous baise les yeux. Connoissant votre courage et votre zèle , je crois avoir grand besoin de votre secours. Je vous prie donc, au reçu de cette lettre, de ne songer qu'à assembler teus vos palikars , et de venir me joindre, pour que je marche contre mes ennemis. Voici l'instant et l'occasion où j'ai grand besoin de votre aide, et où je m'attends que vous me prouverez votre affection et votre amitié. Votre paye sera double de celle que j'accorde âmes Alba. nois.carje sais que votre valeur est supérieure à la leur. Comme je ne me mettraipasen campagne avant votre arrivée, je vous prie de venir promptement. Voilà ce que j'avois à vous dire , et je vous salue. »

Les capitaines Botzari et Tzavella convoquèrent une assemblée de leurs concitoyens, et y firent la lecture de cette lettre. Presque personne ne fut dupe des artifices et de la duplicité du pacha. Ils lui répondirent que leurs guerriers ne pouvoient quitter leur pays , où leur présence étoit toujours nécessaire pour le défendre ; mais que désirant l'obliger et s'assurer son amitié, ils avoient permis au capitaine Tzavella de le suivre à la victoire avec soixante-dix palikars.


Dès vl« cette petite troupe fut arrivée, l pouf empêcher qu'on ne soupçonnât ses projets, se mit en marche dans la direetioa d'Argyro.Castro, A peine avpit-il fait vingt milles, qu'il fit halte, et ordonna dp camper en cet endroit En pareille occasion, l'usage des Suliotes est de s'exercera la course, au saut, à la lutte et à d'autres jeux militaires. Ils quittèrent leurs armes pour s'y livrer, et au même instant l'ordre fut donné de les arrêter. Tous furent saisis et chargés 4e fers, à l'exception de trois, dont deux , ayant eu le temps de sauter sur leurs armes, se défendirent jusqu'à la inort, et périreut couverts de blessures ; et le troisième , qui étoit doué d'une grande agilité, prit la fuite au milieu de mille coups de mousquet, dont aucun ne l'atteignit, passa le Kalamas à la nage, et, se dirigeant vers Suli, y arriva à temps pour mettre ses concitoyens en garde contre leur perfide ennemi le lendemain, le pacha parut dans leur dis- ttfiet, à la tête de toute son armée; mais trouvant les Swlfotes avertis de ses projets, et disposés à lui faire «ne chaudfe réception, il différa son attaque pour recourir encore h la ruse et essayer l'effet d'une négociation artificieuse. Ayant ordonné qu'on lui amenât le capitaine TzaveHa, il lui promit les plus grandte? récompenses s'il décidoit ses concitoyens à se soHmeHpe, et le menaça de l'horrible alternative d'être écorché vif, s'ils persistoient dans leur

Wsra tance. « Rendez-moi donc la liberté, » dit Tzaveflà, « car jamais mes concitoyens ne se soumettront tant qu's me verront dans vos fers. » Ali, frop rusé pour laïsser ainsi sa proie s'échapper, lia demanda quelle garantie il Iiii donner oit de soa retour, s*îl ne réussissoit pas dans sa négociation. « Mon fils unique Foto, » répondit Tzavella, « dont « la vie m'est mille fois plus chère, et est plus pré. « cieuse à sa patrie que la mienne. » Tzavella fut remis en liberté à cette condition, et un nombre égal oTAlbanois et de Siilïotes firent l'échange des prisonniers au pied d'une montagne.

Dès que ce capitaine fut arrivé à Sulï, il convoqua une assemblée de tous les autres chefs, leur expliqua la conduite et les projets du pacha, les assura qu'ils De devoient pas compter sur ses promesses de clémence, etles exhorta a se préparer h une vigoureuse résistance, sans songer ni a lui ni à, sa famiHfe dont il n'existoit pas un seul membre qui ne lut fier o*e se sacrifier pour sa patrie. Cependant il fit traîner en longueur les négociations pour avoir le temps de finir les préparatifs de défense, et ce ne fut que forsqu'ïls furent terminés sur tous les points qu'ïl envoya la lettre suivante au tyran.

« Ali-Pacha , je me réjouis d'avoir trompé un trompeur. Je suis ici prêt à défendre mon pays contre un brigand. Mon fils est dévoué a la mort, mais j'eni tirerai une vengeance terrible avant de mourir. Quelques Turcs, comme vous, diront que je suis un père barbare de sacrifier mon fils à ma propre sûreté ; mais je répondrai que, si vous étiez maître de nos montagnes, vous n'en feriez pas moins périr mon fils avec toute ma famille et tous mes concitoyens, et que, dans ce cas , je ne pourrais venger sa mort. Si nous sommes vainqueurs, j'aurai d'autres enfans, car ma femme est encore jeune. Si mon fils, tout jeune qu'il est, regrette de se sacrifier pour sa patrie, il n'est pas digne de vivre ni d'être reconnu pour mon fils, et l'on ne doit le compter parmi les dignes enfans de la Grèce que s'il sait subir la mort avec courage. Avance donc, traître , car j'ai soif de vengeance, et je suis ton

ennemi juré.

« Lambro Tzavella, ».


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